LE JUGEMENT DE “SALOMON” DE LA BICYCLETTE BRISÉE

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Dans un arrêt de la Cour d’Appel d’Aix en Provence rendu le 25 novembre 2016, DE la 7èmeB Chambre des Appels correctionnels présidée alors par Monsieur le Juge Patrick RAMAËL, les droits du cycliste ont été mis à l’honneur.

C’était une affaire d’accident de la route impliquant un automobiliste qui avait percuté un cycliste.

Comme nous vous le répétons de nombreuses fois, la Loi Badinter de 1985 est particulièrement protectrice des droits des cyclistes puisqu’elle le considère comme une victime protégée et bénéficie alors d’indemnisation de ses préjudices corporels sans que la partie adverse puisse lui reprocher ses fautes.

En revanche, en matière de dommages matériels, les propres fautes du cycliste peuvent lui être reprochée pour diminuer son indemnisation.

En outre, dès lors que son droit à indemnisation de ses préjudices matériels (vélo, casque…) a été reconnu à 100% se pose alors la question de la valeur de ces biens.

Le cycliste avait alors été blessé et son vélo complètement détruit.

Dans cette affaire, le tribunal a jugé l’automobiliste responsable pénalement et l’a condamné à indemniser les parties civiles (le cycliste) tant vis à vis de ses dommages corporels (expertise médicale mise en place), que vis à vis de ses dommages matériels.

Le prévenu a alors été condamné à payer au cycliste victime la somme de 8166,66 euros en réparation du préjudice matériel pour l’endommagement de son vélo et de sa tenue.

En réalité, même si l’assurance n’est pas condamnée, le jugement lui est opposable, et c’est bien cette dernière qui doit indemniser le cycliste victime.

L’assurance qui souhaitait l’application d’un coefficient de vétusté au vélo, qui n’avait alors pas été pris en compte dans le jugement, a fait appel sur les dispositions du jugement relatives à la liquidation du préjudice matériel.

Vous l’aurez compris, l’assurance contestait fermement l’estimation du vélo endommagé réalisée par le juge.

Le tribunal a considéré qu’il :

« (…) s’agissait d’un vélo professionnel haut de gamme qui, sous l’effet du choc, a été brisé en deux parties (…) »

L’assurance avait évalué le vélo à seulement 1400 euros alors que le tribunal avait accordé l’indemnisation à hauteur de la facture de réparation d’un montant de 7217 euros.

La Cour d’Appel d’Aix en Provence a confirmé le jugement du tribunal sur le fondement du principe de la réparation intégrale :

« Attendu qu’en effet le principe de la réparation intégrale du préjudice commande d’accorder, au choix de la partie civile, soit la réparation du bien endommagé, soit son remplacement par un bien neuf identique ; qu’en décider autrement reviendrait à vider de son sens ce principe ; que l’application d’un coefficient de vétusté ou l’utilisation d’une notion de marché de l’occasion conduiraient à pénaliser une victime privée de son bien par un évènement à laquelle elle est complètement étrangère… » 

Si l’arrêt peut choquer les assureurs, ou donner entière satisfaction aux cyclistes, le juriste ne peut qu’être interpellé par le raisonnement appliqué par la Cour d’Appel d’Aix en Provence.

En effet, la Cour d’Appel a donc, en procédant de la sorte, indemnisé le cycliste victime pour son préjudice matériel (la bicyclette brisée) à 100% de la valeur neuve sans appliquer de coefficient de vétusté.

Si le cycliste victime a pu se racheter une bicyclette neuve après quelques années d’utilisation, ne pouvait-on pas considérer que le cycliste s’était enrichi suivant la théorie de l’enrichissement sans cause que les juristes connaissent trop bien.

En suivant le même raisonnement, et en appliquant cette jurisprudence, un automobiliste qui a un accident 5 ans après avoir acheté son véhicule serait en droit de solliciter auprès de son assurance, le remplacement à neuf

L’assurance n’a formé aucun pourvoi en cassation, sans doute par crainte d’avoir un arrêt encore plus imposant.

En réalité, il faut pousser un peu plus le raisonnement de Monsieur le Juge dans cet arrêt.

Dans ce cas précis, il y avait un problème majeur puisque le vélo était un vélo en carbone de compétition et le marché de l’occasion en la matière était quasi inexistant et quand bien même le vélo pouvait être évalué, il y avait une indisponibilité de ce vélo sur ce même marché.

On est donc dans un raisonnement différent de l’accident avec une simple automobile, ou le marché de l’occasion est omniprésent.

Si la Cour avait  accepté d’appliquer un coefficient de vétusté au vélo haut de gamme, ce serait alors le cycliste qui aurait perdu de l’argent. Il n’aurait pas pu se racheter de vélo, le marché de l’occasion étant inexistant, et il n’avait pas forcément les moyens d’en racheter un neuf.

La Cour a donc privilégié la théorie de l’enrichissement sans cause à la théorie de l’appauvrissement sans cause dixit le Juge Ramaël.

C’est donc un jugement de « Salomon » et nous ne pouvons alors qu’apprécier la qualité de cette réflexion qui fait honneur à la magistrature.

TÉLÉCHARGER L’ARRÊT ICI

Qu’en est-il alors du droit à indemnisation du cycliste victime et que faut-il retenir ?

En réalité, dès lors qu’il existe un véritable marché de l’occasion et bien sûr, une disponibilité des produits endommagés (bicyclettes, motocyclettes, automobiles…), l’assurance pourra se référer à un coefficient de vétusté pour déprécier la valeur du bien et la traduire en indemnités. Néanmoins, rien n’empêche les victimes de contester cette valeur en rapportant quelques éléments au juge lui permettant de réévaluer la valeur du bien détruit sur le marché de l’occasion (une voiture, une moto ou un vélo peut être surcoté sur les sites de vente de biens d’occasion et la fourniture de la copie de ces petites annonces peuvent servir de base de réflexion.

Dès lors qu’il n’existe pas de marché de l’occasion, ou même si les biens détruits ou endommagés ne sont pas disponibles sur le marché de l’occasion, le magistrat n’aura pas d’autres choix que d’ordonner leur remplacement à neuf et ce même si la victime bénéficie d’un certain enrichissement au profit de l’assurance.

Michel Benezra, avocat

Président de la Commission Juridique MVEUV

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