LA LOI BADINTER EXPLIQUÉE…

Si la Loi Badinter a le mérite de préserver les droits des victimes d’accident de la route, elle donne les premiers pouvoirs à l’assurance qui par des jeux de participations financières dans de grands groupes d’assurance, ou simplement avec l’application de la convention IRCA, aura forcément des intérêts contraires à la victime. L’assurance va alors en apparence être le représentant de la victime alors qu’elle sera en réalité, l’examinateur, l’évaluateur, et enfin le régleur des préjudices corporels de la victime de l’accident. Or celui qui indemnise la victime de la route ne peut pas examiner cette même victime et évaluer lui-même ses préjudices sans porter atteinte à ses intérêts. Un avocat compétent, qui interviendra avec l’aide des meilleurs spécialistes (médecin-conseil de victimes, ergothérapeute, psy, architectes…) rétablira l’équilibre dans la balance de la justice.

Le domaine d’intervention de la Loi Badinter ?

La Loi Badinter de 1985 sur les accidents de la circulation va dans un premier temps délimiter son champ d’intervention.

Elle est applicable dès lors qu’un véhicule terrestre à moteur est impliqué dans un accident de la circulation et ce, même en l’absence de choc à partir du moment où le véhicule a eu un rôle causal dans l’accident.

La jurisprudence est venue préciser la notion de « véhicule terrestre à moteur » et a considéré qu’outre les cyclomoteurs et autres véhicules circulant sur nos routes étaient bien des véhicules au sens de la Loi Badinter, mais aussi, les tracteurs agricoles, les moissonneuses, les engins de chantier, et même une tondeuse auto portée (Cass. Civ.24 juin 2004).

Les victimes de la Loi Badinter ?

La Loi Badinter va aussi définir précisément les victimes protégées elles-mêmes : les piétons, les cyclistes et les passagers des véhicules en excluant le conducteur fautif considérant qu’il est manifestement à l’origine de ses propres dommages lorsqu’il est responsable de l’accident et ses propres fautes viendront alors diminuer ou exclure son droit à réparation de ses préjudices corporels.

D’ailleurs, la Loi Badinter apporte une réelle protection de ces victimes puisqu’il est impossible de leur opposer leur faute pour diminuer ou exclure leur droit à réparation de leurs préjudices corporels, sauf la faute inexcusable, et parfois même, pour les victimes super privilégiées (victimes de moins de 16 ans et de plus de soixante-dix ans, et les personnes invalides à plus de 80%), sauf la faute volontaire, en cas de suicide par exemple. Le régime est différent pour les biens matériels où, toutes les fautes diminuent ou excluent leur droit à réparation (sauf conséquences économiques qui suivent le même régime que les préjudices corporels).

Il faut donc un véhicule terrestre à moteur et une victime protégée pour appliquer la Loi Badinter, qui ne s’appliquera donc pas à s’appliquer dès lors qu’aucun véhicule terrestre à moteur ne sera impliqué (accident d’un vélo contre un autre vélo, ou accident d’un vélo et d’un piéton).

L’offre d’indemnité à la victime prévue par la Loi Badinter ?

Cette loi Badinter prévoit que l’assurance du véhicule impliqué doit faire une offre d’indemnité directement à la victime dans le délai de trois mois à compter de la demande d’indemnisation, et dans le délai maximum de huit mois à compter de l’accident (article L211-9 du code des assurances).

Enfin, l’assurance qui rappelons-le est le régleur, devra présenter une offre définitive à la victime de la route dans un délai de 5 mois suivant la date de consolidation de la victime, ou du moins, depuis la date à laquelle l’assureur a été informé de la consolidation de la victime.

L’offre doit impérativement comprendre tous les postes de préjudice indemnisables, les créances des tiers payeurs (copie des décomptes) et en cas de transmission tardive, la Loi Badinter prévoit (article L211-13 du code des assurances) le doublement du taux de l’intérêt légal courant sur la totalité de l’indemnité allouée à la victime à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement définitif.

La victime peut alors soit accepter l’offre de l’assurance, soit la refuser et dans ce dernier cas, la victime s’orientera vers la voie judiciaire.

Néanmoins, comment apprécier une telle offre alors que la victime ne découvre le droit du dommage corporel, et qu’elle est fortement influencée par l’assurance elle-même qui n’aura aucune difficulté à convaincre la victime que les services d’un avocat sont chers, inutiles et surtout que cela ralentirait la procédure…

L’expertise médicale de la victime prévue par la Loi Badinter ?

Dès lors que la victime n’est pas consolidée, l’assurance ne sera tenue que de verser des provisions, et justement, c’est dans le cadre d’expertises médicales que la victime va être examinée et où les postes de préjudices vont être déterminés.

Certains professionnels dont nous faisons partie, estiment que l’expertise est la clé de voute de l’indemnisation des préjudices corporels de la victime accidentée d’où son importance et surtout l’importance de ne pas s’y rendre seul. En effet, le médecin missionné interviendra sur instructions de l’assurance avec des objectifs précis (il ne soigne pas, il expertise et son serment ne le tient pas).

L’assurance doit informer la victime de la date, de l’objet et du lieu de l’expertise médicale, quinze jours au moins avant l’examen médical, ainsi que le nom de l’assurance qui a ordonné la mise en place de cette expertise. Comme pour l’avocat, l’assurance doit informer la victime qu’elle peut se faire assister d’un médecin de son choix.

Les dangers de la Loi Badinter et la victime, seule ?

La victime, seule face à l’assurance est complètement démunie et accepte alors de faire confiance à son premier interlocuteur : l’assurance

Même si la Loi Badinter prévoit que dès sa première correspondance avec la victime, l’assureur doit l’informer qu’elle peut à se faire assister d’un avocat de son choix et d’un médecin, mais aussi qu’elle peut se faire délivrer copie sans frais du procès-verbal d’enquête de police ou de gendarmerie, cela se traduit dans la pratique par une transparence voulue par l’assurance (alors que cela est imposé par la loi) et rassure la victime de la route.

L’avocat compétent en dommages corporels ne manquera pas de s’adjoindre les services d’un médecin-conseil afin de l’assister dans sa mission d’évaluation des préjudices corporels (préjudices physiques et préjudices psychiques) puis l’avocat liquidera les préjudices fixés dans le rapport d’expertise afin de traduire financièrement tous les postes de préjudices arrêtés.

Michel Benezra – Avocat et Président de la Commission Juridique MVEUV

Annexe : la notice communiquée à la victime

Notice destinée aux victimes d’accidents de la circulation mettant en cause un véhicule terrestre à moteur.

Cette notice doit vous être adressée par l’assureur en vertu de l’arrêté du 20 novembre 1987 pris pour l’application de l’article 11 du décret n° 86-15 du 6 janvier 1986 relatif à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation (aujourd’hui R211-39 et A211-11 du code des assurances :

Les informations suivantes ont pour but de vous expliquer ce que vous devez entreprendre et comment vous serez indemnisé.

Elles ont été volontairement limitées à l’essentiel. Pour en savoir plus, il vous faut consulter :

– la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 publiée au Journal officiel du 6 juillet 1985 ; 

– le décret n° 86-15 du 6 janvier 1986 publié au Journal officiel du 7 janvier 1986. 

La loi du 5 juillet 1985 a amélioré la situation des victimes d’accidents de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur, ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l’exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres 

– les cas de non-indemnisation sont désormais limités ; 

– une offre d’indemnité doit être faite par l’assureur dans un délai de huit mois en cas d’accident corporel.

Qui a droit à indemnisation ? 

Pour les dommages corporels : 

Les passagers, piétons et cyclistes victimes, sauf lorsque la victime a :

– recherché volontairement son dommage ;

– commis une faute inexcusable, cause exclusive de l’accident. Toutefois, cette faute ne peut être opposée à la victime si elle est âgée de moins de seize ans ou de plus de soixante-dix ans ou encore si elle est atteinte d’une incapacité permanente ou d’une invalidité au moins égale à 80 p. 100.

Les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sauf lorsqu’ils sont responsables de l’accident (la faute du conducteur peut en effet limiter voire exclure son droit à indemnisation). 

Pour les dommages matériels :

Toutes les victimes dans la mesure où elles ne sont pas responsables de l’accident.

Attention : même si vous êtes indemnisé de vos dommages, vous pouvez être tenu de réparer ceux que vous avez causés à autrui si vous êtes responsable.

Comment se déroule l’indemnisation ?

L’assureur du responsable prend contact avec vous.

Vous le renseignez.

Vous vous soumettez à un examen médical.

L’assureur vous fait une offre d’indemnisation.

Vous acceptez l’offre, l’assureur vous indemnise.

Vous refusez l’offre, vous devez alors réclamer l’indemnisation devant le tribunal. 

Qui doit vous contacter ?

Dans la plupart des cas : l’assureur qui garantit la responsabilité civile du véhicule impliqué. Si plusieurs véhicules sont impliqués, un seul assureur fait l’offre pour le compte de tous.

Le propriétaire du véhicule s’il est dispensé de recourir à un assureur (Etat, R.A.T.P. ). 

Le Bureau central français, ou son représentant, s’il s’agit d’un véhicule étranger (B.P. 27-93171, Bagnolet cédex).

Si l’auteur de l’accident est inconnu ou non assuré, il vous appartient de saisir le Fonds de garantie (64, rue de France, 94307 Vincennes cédex).

A la première correspondance, il vous est demandé de fournir les renseignements nécessaires à votre indemnisation.

Vous pouvez : 

– vous faire assister d’un avocat de votre choix ; 

– obtenir, sans frais, copie du rapport de police ou de gendarmerie.

Vous devez communiquer à l’assureur :

1° Vos nom et prénoms 

2° Vos date et lieu de naissance ;

3° Votre activité professionnelle et l’adresse de votre ou de vos employeurs ; 

4° Le montant de vos revenus professionnels avec les justifications utiles ;

5° La description des atteintes à votre personne accompagnée d’une copie du certificat médical initial et autres pièces justificatives en cas de consolidation ;

6° La description des dommages causés à vos biens ; 

7° Les noms, prénoms et adresses des personnes à votre charge au moment de l’accident ; 

8° Votre numéro d’immatriculation à la sécurité sociale et l’adresse de la caisse d’assurance maladie dont vous relevez ;

9° La liste des tiers payeurs appelés à vous verser des prestations, ainsi que leurs adresses 

10° Le lieu où les correspondances doivent être adressées.

Si la victime décède, le conjoint et chacun des héritiers doivent communiquer à l’assureur : 

1° Ses nom et prénoms ;

2° Ses date et lieu de naissance ;

3° Les nom et prénoms, date et lieu de naissance de la victime ;

4° Ses liens avec la victime ;

5° Son activité professionnelle et l’adresse de son ou de ses employeurs ;

6° Le montant de ses revenus avec les justifications utiles ;

7° La description de son préjudice, notamment les frais de toute nature qu’il a exposés du fait de l’accident ;

8° Son numéro d’immatriculation à la sécurité sociale et l’adresse de la caisse d’assurance maladie dont il relève ;

9° La liste des tiers payeurs appelés à lui verser des prestations, ainsi que leurs adresses ; 

10° Le lieu où les correspondances doivent être adressées. 

Vous devez répondre à toutes ces questions dans un délai de six semaines. Si vous tardez ou si votre réponse est incomplète, vous retardez l’indemnisation. 

Vous êtes convoqué à un examen médical.

Vous êtes avisé au moins quinze jours avant l’examen médical :

– de la date et du lieu de l’examen ;

– de l’identité et des titres du médecin ;

– de l’objet de l’examen ; 

– du nom de l’assureur pour le compte duquel l’examen est demandé.

Vous recevrez copie du rapport dans les 20 jours.

Vous pouvez : 

– vous faire assister d’un médecin de votre choix ;

– refuser de vous présenter à l’examen médical si les renseignements ne vous ont pas été communiqués dans le délai prescrit ;

– refuser de vous faire examiner par le médecin choisi par l’assureur ; dans ce cas, l’assureur peut vous proposer un autre médecin ou demander au tribunal d’en désigner un ;

– demander vous-même au tribunal la désignation d’un médecin-expert. 

Que contient l’offre d’indemnisation ?

Si vous avez subi un dommage corporel, l’assureur doit vous présenter, dans les huit mois qui suivent l’accident, une offre d’indemnisation comprenant la réparation : 

– du préjudice corporel ;

– du préjudice matériel lorsqu’il n’a pas fait l’objet d’un règlement préalable.

Selon votre état de santé cette offre peut être : 

– définitive si votre état de santé est consolidé et que l’assureur en a été informé dans les trois mois suivant l’accident ;

– provisionnelle dans le cas contraire, l’offre définitive vous sera présentée au plus tard cinq mois après que l’assureur aura été informé de votre consolidation.

L’offre doit couvrir tous les éléments de votre préjudice, c’est-à-dire :

En cas de blessure : 

– les frais engagés pour vous soigner (hospitalisation, chirurgie, pharmacie, rééducation, etc.) ;

– les salaires ou revenus que vous auriez perçus si vous n’aviez pas été accidenté ; si vous n’exercez pas d’activité rémunérée, des indemnités forfaitaires peuvent vous être allouées ;

– l’incapacité permanente partielle déterminée par le médecin chargé de vous examiner ;

– le remboursement du coût de la ou des tierces personnes dont l’aide est rendue nécessaire du fait de votre état  

– l’indemnisation des souffrances endurées ;

– les autres préjudices (esthétique, d’agrément).

En cas de décès :

– les frais d’obsèques raisonnablement engagés ;

– les préjudices moraux ; 

– les préjudices économiques ;

– les autres préjudices.

Dans tous les cas :

– les préjudices matériels annexes aux préjudices corporels ou mortels (vêtements, prothèses).

Attention : les sommes calculées subissent, s’il y a lieu, une réduction résultant :

– de votre responsabilité ;

– des sommes payées ou à payer par les organismes participant à l’indemnisation de votre préjudice (organismes sociaux, employeurs, assureurs d’avances sur indemnités) ; une copie des décomptes de ces organismes est jointe à l’offre. 

Qui doit recevoir l’offre d’indemnisation ?

La victime (cas général).

Les héritiers et le conjoint (en cas de décès).

Le représentant légal et, selon le cas, le juge des tutelles ou le conseil de famille si la victime est mineure ou majeure incapable.

Les suites à donner.

Lorsque vous recevez l’offre, vous pouvez : 

Accepter.

Dans les quinze jours qui suivent votre accord, vous pouvez le dénoncer par lettre recommandée avec accusé de réception.

Si vous agissez en tant que représentant légal d’un mineur ou d’un majeur incapable, il vous faut l’accord du juge des tutelles ou du conseil de famille.

Discuter. 

Refuser.

Vous pouvez :

– vous adresser aux tribunaux pour obtenir l’indemnisation ;

– réclamer des dommages-intérêts en cas d’offre manifestement insuffisante.

Dans tous les cas, faites part de votre décision à l’assureur qui vous a présenté l’offre d’indemnisation.

Attention : vous devez informer votre caisse d’assurance-maladie de toute transaction intervenue avec l’assureur ou de toute action judiciaire. 

Quand êtes-vous indemnisé ?

Vous êtes indemnisé :

– au plus tard quarante-cinq jours après l’accord conclu entre l’assureur et vous ;

– en cas de procès, à l’issue de celui-ci. 

Vous pouvez réclamer des intérêts en cas de retard imputable à l’assureur. 

Conseils pratiques.

Vous pouvez confier la défense de vos intérêts à toute personne de votre choix ; en cas de procès, un avocat doit vous représenter devant le tribunal de grande instance.

En adressant une feuille de soins à la sécurité sociale, précisez bien qu’il s’agit d’un accident et indiquez sa date. 

Constituez votre dossier en conservant l’original ou, à défaut, la copie de toute pièce médicale, les décomptes de la sécurité sociale, les justificatifs de vos frais ainsi qu’une copie de toute correspondance.

Vous devez adresser à l’assureur les pièces justifiant les préjudices que vous avez subis.

Vous pouvez prendre l’avis de spécialistes, agent ou courtier d’assurances, avocat, conseiller juridique, médecin Toutefois, les frais et honoraires de ces intervenants peuvent rester à votre charge, sauf si vous bénéficiez d’une garantie de protection juridique ou de l’aide juridictionnelle en cas de procès.

Surveillez les délais afin d’accélérer le règlement de votre dossier. En particulier si un mois après l’accident vous n’avez aucune nouvelle de l’assureur du responsable prenez contact avec lui.

Remarque.

Le dispositif mis en place par la loi a pour objet de réduire le nombre de procès et d’accélérer l’indemnisation des victimes. Cependant, vous avez la possibilité à tout moment : 

– d’introduire devant le tribunal un référé (procédure d’urgence pour obtenir une avance sur indemnité), particulièrement en cas d’inaction persistante de l’assureur du responsable ;

– de faire intervenir le juge en cas de désaccord persistant sur :

– le taux de responsabilité ;

– le caractère inexcusable d’une faute ;

 – le montant de l’offre d’indemnisation.

 

– de vous constituer partie civile ou d’engager une procédure judiciaire à l’encontre des auteurs de l’accident que vous estimez responsables.

Victimes cyclistes, vous avez des droits

Si vous avez été blessé ou l’un de vos proches, n’hésitez pas à nous consulter : assoc.mveuv@gmail.com

LE CHANGEMENT

Dès lors qu’il existera des injustices dans le traitement de la place réservée aux cyclistes dans notre société, notre association n’aura qu’un seul objectif : informer, enseigner et s’il le faut désormais, agir en justice.

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